‹ Tous les blogs posts
Cette semaine, l'équipe de Lineshift a eu l’opportunité d’assister à une conférence unique animée par Luc Julia, le co-créateur de Siri et aujourd’hui directeur scientifique de l’IA chez Renault. Une rencontre marquante avec un pionnier de l’intelligence artificielle vocale, aussi lucide que provocateur.
C’est avec cette punchline que Luc Julia a ouvert la conférence. Depuis ses débuts en 1956, l’IA a alterné entre espoirs démesurés et traversées du désert. D’abord basée sur des statistiques simples, elle a connu des phases successives :
Luc Julia rappelle que l’IA n’est pas intelligente : ce n'est qu'une boîte à outils très spécialisée. Un outil qui, dans certaines tâches précises, est plus rapide, plus disponible, plus fiable que l'homme… mais pas plus “intelligent”. En 1642, Blaise Pascal invente la Pascaline qui fait des calculs en 4 secondes. Aujourd'hui, nous sommes tous plus performants en utilisant une calculatrice, qui n'est qu'un outil. Idem avec le GPS qui est un outil performant pour nous guider au quotidien, mais on ne peut pas parler d'intelligence.
En 1997, Luc Julia et son équipe créent le premier assistant vocal conversationnel. Ils ont un souci, leur application ne comprend que 70% des mots.
Ils inventent alors la “théorie de la boîte de nuit” : Luc décrit une conversation en boite de nuit, où l'on comprend moins de 70 % des mots: en général on s’en sort avec une blague et de l'humour. Cette idée a été adaptée à Siri qui était assez peu performant sur chaque conversation. Ce principe "plus humain" a séduit Steve Jobs qui a fait l'acquisition de la société.
A ce moment, Siri compte jusqu'à 180 000 utilisateurs. Le 4 octobre 2011, Siri sort sur iPhone et passe à 180 millions d'utilisateurs en quelques jours. Pourtant, depuis… Siri n'a pas connu de vraie évolution. L'assistant vocal reste limité à des commandes à un seul tour : “Appelle maman”, “mets de la musique”, “donne-moi la météo”. Il n'y a pas de vrai dialogue.
ChatGPT, Gemini, Deepseek… les modèles génératifs actuels déploient des capacités impressionnantes: la dernière version de ChatGPT-4o brasse plus de 1 200 milliards de paramètres, glané sur l'ensemble d'Internet. Pour faire fonctionner ces modèles capables de "tout savoir", les data centers poussent partout et engloutissent dans des proportions démesurées l'électricité et l'eau douce disponibles.
Luc Julia insiste : les anciens modèles d'IA était bien plus frugaux et efficients. Malgré les ressources déployées, les IA d’aujourd’hui ne sont pas forcément beaucoup plus pertinentes d'un point de vue statistique : ~36 % d’erreurs selon ses propres mots. C'est pour cette raison que Luc Julia pense que l'avenir va se structurer autour d'agents verticaux et spécifiques.
Plutôt que de poursuivre une IA “générale”, Luc Julia prône une approche plus ciblée, plus frugale, plus précise en déployant des agents spécialisés, ultra-performants dans un domaine précis (comme notre assistant vocal automobile chez Lineshift AI). D'ailleurs, Luc Julia qui dirige les projets IA pour le groupe Renault a piloté l’intégration d'un agent embarqué, sobre, et pertinent dans son dernier modèle R5. Il conclut avec un message fort : n’apprenez pas des langages (Python, JavaScript...), apprenez plutôt la logique et les mathématiques. Les langages changent tout le temps. Ce qui compte, c’est de savoir raisonner, structurer, résoudre. L'IA ne pourra pas avoir cette intelligence.
Pour finir, il fait un appel à ne pas subir l’IA, mais à l’apprivoiser, à la comprendre… et à s’en servir pour construire un futur plus humain, en rappelant que nous devons nous concentrer sur les activités qui nous excitent. Un écho à un discours d'un certain Steve Jobs à Stanford en 2005: "Stay hungry, stay foolish".
Merci Luc Julia.